Fabrice Hyber est d’abord un expérimentateur ludique ! Quand il n’est pas dans son atelier parisien, à Pantin, c’est à Mareuil-sur-Lay qu’il dessine, modèle, élague, arpentant sans relâche son domaine végétal en bottes de caoutchouc et en doudoune vert pétard. Depuis toujours, l’univers organique, les plantes et les arbres fascinent ce fils d’agriculteurs, attaché à ses racines. Artiste inclassable, il conçoit souvent ses toiles comme une sorte de ‘‘story-board’’ où il colle des notes, des esquisses, des annotations et des dessins. ‘‘Je ne me définis pas comme un artiste écolo, plutôt un artiste écoresponsable’’, nuance Fabrice Hyber. Vingt ans après s’être vu décerner le Lion d’Or à la Biennale de Venise, ‘‘l’arpenteur d’hypothèses’’ a été élu en 2018 à l’Académie des Beaux-Arts.
Cinq jalons dans l’œuvre de Fabrice Hyber
Les ‘‘peintures homéopathiques’’. Initiées dès 1986, ces peintures (parmi les plus cotées) sont conçues comme de vastes tableaux de chasse labyrinthiques sur lesquels s’accumulent des écritures et des dessins, voire des équations et des flèches détournées, en vue de raconter la synthèse et la cristallisation d’un cycle de recherches.
La série des POF, lancée en 1991. Cousin éloigné du ‘‘ready-made’’ de Marcel Duchamp, le POF (Prototype d’Objet en Fonctionnement) est un objet familier dont la fonction initiale est réinventée : il en va ainsi du ‘‘plus gros savon du monde’’ (22 tonnes de savon de Marseille), du ballon carré noir et blanc (1998), de la voiture à double tranchant où la balançoire à double godemichet, dont un exemplaire trône dans son parc, en Vendée...
L’Homme de Bessines. Sculpture-fontaine (initialement réalisée pour la commune de Bessines en 1989) sous forme d’un petit homme vert dont les orifices corporels déversent des filets d’eau. Ce ‘‘superhéros écolo’’ s’est répandu dans le monde (Londres, Shangai, Tokyo…) au fil des commandes.
L’Artère, le Jardin des dessins (2006). Oeuvre pérenne installée au Parc de la Villette à la mémoire des victimes du Sida.
Pasteur’Spirit. Avec l’exposition Pasteur’Spirit en 2010, Fabrice Hyber a installé dans l’atrium de l’Institut Pasteur une oeuvre murale de 180 m2, constituée de 800 carreaux de céramique peints réalisés dans les ateliers de la Manufacture de Sèvres.
Textes extraits des ECHOS du 19 févr. 2021 de Pierre de Gasquet
Une sélection de POF exposés à Lasécu !
L’évidence des POF
« À la suite des objets hybrides (exemple Chatouille, 1988), les POF sont apparus en 1991, lorsque j’ai vu que les objets expérimentaux, issus de mes recherches, pouvaient susciter de nouveaux fonctionnements. Qu’ils pouvaient provoquer et développer à l’atelier, comme chez les visiteurs dans les expositions, des facultés, des aptitudes ou des attitudes inattendues. Les visiteurs devenaient des acteurs et les objets n’étant jamais finis, il y avait la possibilité que le développement soit durable. L’invention du terme : Prototype d’Objet en Fonctionnement, vient de la nécessité d’offrir aux visiteurs des alternatives à la simple contemplation. Lors d’une exposition, j’ai vu que l’objet activait dans l’esprit du visiteur une écologie mentale : plus positive que l’écologie comportementale, celle-ci montrait que notre action peut être induite en amont et que les POF nous permettent d’absorber de nouveaux systèmes et surtout, d’en inventer.
À la différence d’un Prototype industriel, le POF aborde la méthode de fabrication et devient peu à peu un mode d’emploi. Le POF libération des bonzaïs, par exemple, donne la possibilité à celui qui à un bonzaï de le planter en pleine terre : plus de tabou. Aujourd’hui, trois plantations de Bonzaïs existent à Vienne, à Tokyo et en Vendée. Les POF se sont multipliés et ont pris diverses formes, j’ai alors imaginé les POF shops, des « magasins » où coexistent deux types de POF : les objets préfabriqués et les méthodes de fabrication des POF à faire soi-même. Puis j’ai tourné des vidéos de présentation de chacun d’eux. Là aussi, les vidéos sont devenues des POF puisqu’elles ne présentaient pas seulement un mode d’emploi avec une méthode d’utilisation, mais des possibilités de fonctionnement. Elles sont toutes sans paroles. Les POF sont des ouvertures, des possibilités ».
Fabrice Hyber
Fabrice Hyber modifie ainsi la conscience et la pratique que nous avons de ces objets puisque leurs formes réinventées induisent de nouveaux comportements. En déplaçant leur fonction originelle, les POF génèrent un mode d’appropriation singulier et nécessitent souvent l’invention d’un mode d’emploi pour un usage en constante évolution, questionnant ainsi la relationque l’on entretient avec les objets du quotidien et plus généralement l’œuvre d’art.
Fabrice Hyber, artiste prolifique présent depuis plus de vingt-cinq ans sur la scène artistique internationale et lauréat du Lion d’Or de la Biennale de Venise en 1997, a construit un œuvre rhizomatique où chaque piècese fait l’écho d’une autre, créant ainsi un ensemble protéiforme qui reflète le foisonnement de sa pensée. S’il en matérialise le processus à l’aide de la peinture, la sculpture, l’installation, la vidéo ou encore en investissant le champ de l'entreprise et du commerce, c’est bien le dessin qui est à l’origine de toutes ses œuvres.
À cet égard, les POF sont symptomatiques de ces mécanismes, sur un mode léger, inventif, insolite, ludique, parfois utopique, critique ou satirique, mais toujours humoristique.
Extrait du dossier de presse du MACVAL