Il fut un temps où le mot corps, en art, rimait avec le mot académie. Une ''Académie'' d'homme, ou de femme, était le résultat de cette étude du corps humain, de sa morphologie, de son anatomie, de son potentiel symbolique, qui constituait la base de l'éducation artistique. On venait apprendre le corps comme un apprenti musicien devait apprendre le solfège, avant de pouvoir jouer, composer, voire improviser. Ce temps est désormais lointain, mais le corps comme motif, comme question - sans doute faut-il écrire comme obsession - demeure l'un des matériaux fondamentaux des pratiques artistiques contemporaines.
Réunir trois artistes - Emmanuelle Gailliez, Éric Monbel, Diana Quinby - avec le mot ''corps'' tel un dénominateur commun, ça n'est pas chercher la ressemblance, car rien n'est plus dissemblable que ces trois œuvres-là, mais mettre au jour la fécondité d'une obsession, loin de tout académisme, loin de tout souci de se soumettre aux règles du bien peindre. Leurs moyens sont simples, ce sont ceux de la peinture, du dessin et du collage, pratiqués sans ostentation, dans un souci d'explorer, plutôt que de démontrer. Se confronter au corps c'est se confronter à la question de l'échelle, celle de notre humanité qui donne la mesure ou incite à la démesure. Ces œuvres sont grandes, parfois, comme les brancards peints par Monbel, grandes comme des corps gisants. Elles sont petites, à certains moments, chez Emmanuelle Gailliez, comme si la fouille se passait dans la profondeur, plutôt que dans l'étendue. Les moyens sont modestes. Un simple crayon suffit à Diana Quinby afin de faire de la feuille le lieu d'une quête. Se confronter au corps c'est se confronter à soi et à l'autre, aux frontières entre identité et altérité. Il y a là de quoi se perdre. Il y a là de quoi se trouver, et offrir à ceux qui regardent un monde où venir s'incorporer.
Conçue sur une proposition de Marcel Lubac, cette exposition sera accompagnée d'une publication confrontant les travaux des trois artistes. Textes de Pierre Wat.