Lucie Linder
L’artiste s’attache à mettre en œuvre un savoir-faire technique pour créer ses pièces convoquant la lenteur d’un geste minutieux. Son processus sculptural est propice à la concentration, à la méditation et à des songes. Le motif qu’elle répète renvoie à un mouvement infini et fait référence à la formation des coraux. Des objets deviennent également sacrés, pouvant être utilisés pour des rituels. Lucie Linder compose ainsi des reliques, des curiosités qui nous inspirent à une attention aux possibles histoires qu’elles contiennent.
Son attention à la forêt, lieu de mystères, qu’on retrouve souvent dans ses œuvres, l’amène à explorer la thématique du vivant entre mort et renaissance. Ses œuvres convoquent la vulnérabilité et la sensibilité humaine. Elles incarnent une forme d’introspection de l’individu, les frontières entre le monde de l’enfance et celui de l’adulte.
Récemment, des réminiscences d’images apparaissent avec sa pratique du cyanotype. Elle associe son propre imaginaire à une imagerie collective. À partir de photographies personnelles et d’autres issues d’archives, elle fait surgir des images dans lesquelles le sujet est parfois quasi effacé et donne naissance à un rêve. Les situations invitent à un retour aux sources, rendent compte de l’instinct féminin et de la part sauvage de l’Homme.
Pauline Lizowki
Les Fabulations de Nicolas Wilmouth
Il faudrait inventer un mot ou plusieurs pour parler des œuvres du photographe Nicolas Wilmouth qui ont toutes à voir avec le récit et l’histoire, la grande comme la petite. Ce mot pourrait être Fabulations. Des Fabulations comme les Merveilles des cabinets de curiosité, les petits arrangements avec les représentations de la finitude (Still Life), les portraits d’enfants géants (Les héritiers), ou encore les rébus d’un photo-peintre (Haïkus). C’est aussi une certaine histoire de l’art qui se joue ici, celle des natures mortes du XVIIè siècle en peinture ou celle de la photographie pictorialiste au XIXè, entre autres, car Nicolas Wilmouth revendique un travail d’atelier à l’ancienne sur les fonds et les prises de vue. Ici pas de trucage numérique mais des fonds travaillés au blanc d’œuf (Fables). Pourtant, si la reconnaissance des figures est de mise pour le spectateur qui devient ici partie prenante de la scène, le photographe joue avec les codes et les paradoxes. Ainsi se glissent souvent des éléments anachroniques dans les scènes de genre :
des gaufrettes à la vanille industrielles posées sur un plat d’argent, des dates de péremption sur des œufs ou plus subtilement un clou à tête ronde quand ils étaient de section carrée au XVIIè siècle. Ou bien la fusion de deux époques gagne lorsque l’absurde d’un montage surréaliste se mêle à une composition en apparence plus classique. Se mélangent aussi dans ces œuvres le récit que fait l’artiste dans ses compositions, autant que la fable que s’invente le spectateur de l’exposition. Ce qui reste vrai et qui rassemble tout et tous dans un rêve éveillé, c’est la lumière qui permet ces images, c’est la poussière qui façonne les objets, c’est la fumée d’une bougie qui s’échappe et la sensualité révélée des objets. On voyage dans le temps, oui, mais les deux pieds dans la vérité des choses.
Sophie Coiffier,
docteur en Arts plastiques, Auteure, 2023