Depuis l'Antiquité la nature n'a cessé d'alimenter la création artistique.
L'histoire de l'art révèle des approches très diversifiées de la nature selon les civilisations et les siècles : le paysage sert d’environnement narratif, symbolique ou ornemental aux hommes ou aux animaux. Les fruits et les fleurs sont porteurs de symboles religieux ou philosophiques.
A notre époque, cependant, l’environnement perpétuellement menacé suscite un autre regard et d’autres réponses de la part des artistes, qui ont intégré l'impact des activités humaines sur la planète. La nature doit être protégée si l’on ne veut pas qu’elle ait un jour le goût amer de paradis perdu. Si l’art a la particularité de nous imprégner là où les autres modes d’expression peuvent être inefficaces, ne pourrions-nous pas attribuer à l’art contemporain, en dehors de son aspect esthétique, une portée citoyenne dont l’efficacité pourrait largement dépasser les médias conventionnels ?
Selon Robert Filliou, ‘‘L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art’’. Si la nature inspire l’art que deviendrait la vie si la nature disparaissait ?
L’art peut-il participer à sauver la planète ? Quel rôle l’artiste peut-il jouer face aux crises actuelles ?
Lasécu a proposé à une vingtaine d'artistes d'exposer une sélection de leurs estampes (gravure, lithographie, sérigraphie) et céramiques sur le thème de la Nature.
Les artistes :
Julie About (céramique), Amélie Bo (céramique), François Boucq (sérigraphie), Ingrid Bouttaz (céramique), Capri (céramique), Valérie Ceulemans (céramique), Julie Daleyden (gravure), Agnès Dubart (gravure), Gianbattista Ferraglio (céramique), Nathalie Grall (gravure), Didier Hamey (gravure), Sandrine Herlin (céramique), Sandrine Hurtrer (gravure et céramique), Ema Kawanago (gravure), Audrey Keller (gravure), Yann Legrand (gravure), Moebius (sérigraphie), Muriel Moreau (gravure), Françoise Pétrovitch (sérigraphie et céramique), Nicolas Rousseau (céramique), Ludovique Tollitte (gravure), Elisa Uberti (céramique), Valérie Vaubourg (sérigraphie), Alain Winance (gravure), Tomomi Yano (gravure et céramique).
Françoise Pétrovitch
Aux côtés du dessin, de la sculpture, de la céramique et de la peinture, l’estampe constitue un espace de recherche essentiel dans la pratique de Françoise Pétrovitch.
Alain Winance
L’important est que le paysage dépasse la dimension de la seule représentation et qu’il se donne comme une apparition, un avènement. Avènement d’une présence, celle de l’esprit divin. François Cheng
Didier Hamey
L’oeuvre de Didier Hamey forme un monde (imaginaire) habité d’un peuple (non moins imaginaire) réuni par des histoires (plus vraies que nature)... Paul Ripoche
Ludovique Tollitte
Ce matin là le ciel était bleu. Il faisait doux et vert. Un vent léger dans les pommiers. Une caresse sur ma joue. Ce matin là à la fenêtre. Le cosmos m’a avalée et recrachée. J’ai souri... extrait de ‘‘Sous la lune rousse’’
Audrey Keller
‘‘Ce qui compte c’est le plaisir ressenti de graver, c’est l’aspect quasi thérapeutique d’être avec la matière et de dessiner, graver, encrer, imprimer et se laisser surprendre’’.
Juli About
La porcelaine est devenue un matériau essentiel dans sa pratique. Elle lui permet d’être dans la matière, dans la fragilité, dans le présent. C’est un matériau très exigeant, qui parle du vivant. Il y a un élément important dans sa démarche, qui est du coté de la transformation, de la déformation, une chose en train de devenir autre chose. Une chose n’est pas ce qu’elle parait être... ‘‘Je est un autre’’ (Arthur Rimbaud)
Nicolas Rousseau
Son trait affirmé et original a construit peu à peu un univers artistique singulier. Son empreinte céramique marque les esprits et ne lâchera pas votre imaginaire. Choisir une pièce de Nicolas Rousseau vous donne l’impression d’acquérir un petit bout de l’histoire contemporaine, de saisir un mix habile de nos souvenirs, de nos croyances anciennes, actuelles ou à venir. Eric Bergeault
Nathalie Grall
Le burin est son outil de prédilection, c’est un allié précieux et exigeant qui donne plus de présence aux apparitions fugaces nées sous son pinceau. Cette faune et cette flore variées, fascinantes et jubilatoires trouvent dans sa gravure une expression pour éveiller dans le regard des autres un sourire, une question, un écho.
Sandrine Hurtrer
Son inspiration vient de marches lentes dans la nature. Elle aime observer et contempler et se laisser imprégner de sensations. L’artiste les retranscrit dans la céramique et la gravure. Ses sculptures sont réalisées à partir de grès ou de porcelaine engobé et émaillé. Sa gravure reprend différentes techniques comme l’estampe, la broderie, le piquetage mais aussi la céramique qu’elle intègre dans ses expériences de gravure.
Yann Legrand
Une gravure en hommage à Félicien Rops grand amateur de botanique. Solanum Nigrum ou Morelle Noire est une plante magique, qu’utilisaient les sorcières pour ‘‘s’envoler’’. Cette plante transformée en onguent et enduit sur le manche d’un balai avait des propriétés ‘‘planantes et chaleureuses’’. Le mythe des sorcières sur leur balai vient de là.
Valérie Ceulemans
L’artiste exprime son ressenti sur les dualités de l’être humain. En brisant les règles pour façonner la porcelaine, elle crée des sculptures atypiques, un mélange de différents univers ou la réalité côtoie l’imaginaire. Les orifices, les aspérités et les textures sont des stigmates rendant les sculptures agressives. A l’opposé, les courbes favorisent la sensualité et la poésie des objets.
Agnès Dubart
Etudier les ouvertures au monde à travers le corps l’a menée à questionner notre rapport au sol, à la nourriture, au cosmos, à l’autre, ainsi, et avant tout, à notre conscience.la technique de la gravure est un dialogue entre l’outil et la matrice, un moyen de mêler l’esprit et la matière, réunir le haut et le bas, mettre au monde l’invisible.
Muriel Moreau
Avec Muriel Moreau la gra-vure laisse poindre une nature et un être sou-vent invi-sibles. D’où ce dévoi-le-ment de divers huis clos où se crée une vision qui semble per-cer la peau de l’inconscient. La rela-tion au monde reste néan-moins apai-sée et apai-sante dans un tra-vail de sur-gis-se-ment poé-tique là où la matière prend un espace par-ti-cu-lier. Jean-Paul Gavard-Perret
Valérie Vaubourg
La doxa contemporaine voudrait que les images parlent d’elles-mêmes. Bien que cela soit continuellement démenti par leur mode de diffusion, on se plaît aujourd’hui à les supposer autonomes. Sans cynisme aucun, Valérie Vaubourg prend ce discours dominant à son propre piège et aide à constater, plus qu’elle ne cherche à le démontrer, que si les images parlent bel et bien, elles ne tiennent pas nécessairement
le discours que l’on attend d’elles. Johan Grzelczyk
Ema Kawanago
Après l’obtention d’un Master recherche au Département de Biologie, spécialisé en Systèmes Écologiques, à l’Université Bordeaux, Ema KAWANAGO choisit d’orienter sa vie vers le monde de l’art. Ses recherches plastiques suivent les lois de la nature et les lois des hommes, avec pour fil conducteur les relations que peuvent avoir les sujets entre eux dans leur environnement direct : comment se lier, se positionner, interagir dans son contexte.
Tomomi Yano
Ici, le ‘‘presque rien’’ produit tout un univers : des paysages dont on ne saurait dire l’échelle, l’éloignement ou la proximité. Une poésie qui parle de pluies parfaitement parallèles, d’un bain immaculé parsemé de mondes complexes, de troupeaux fantomatiques, d’horizons multiples, de formes vides en miroir des mêmes pleines, de petites planètes avec ou sans volcan… on croirait entendre le chant d’un enfant, à moins que ce ne soit son rire. Thierry Dupas
Gianbattista Ferraglio
Dans ce dialogue avec la terre et la nature, la technique du Raku offre à l’artiste une immédiateté et une apparente ‘‘facilité’’, tout en ouvrant le champ des possibles, elle s’avère de plus en plus exigeante... Ancien élève de Yoshimi Futamura, il a recours au cuivre, au cobalt et au fer pour créer ses couleurs. Ses formes ‘‘libres’’ sont inspirées de la nature qui l’entoure.
Moebius 1938 - 2012
Son impact sur la bande dessinée, sous le nom de Giraud comme sous celui de Moebius, font de lui l’un des dessinateurs francophones majeurs du xxe siècle. Le désert est une figure récurrente dans son oeuvre. En effet, parce qu’aucune construction humaine ne vient imposer un sens déterminé, il autorise tous les possibles métamorphiques.
François Boucq
En 1998, il reçoit le grand prix de la ville d’Angoulême pour l’ensemble de son oeuvre. François Boucq délaisse volontiers l’humour pour se consacrer à des récits plus réalistes. Il adapte ainsi le romancier américain Charyn ‘‘La femme du magicien’’, ‘‘Bouche du diable’’, explore le western avec Jodorowsky, dans les pages de ‘‘Bouncer’’, ou les services secrets du Vatican avec Sente dans ‘‘Le Janitor’’. Héritier direct d’un Giraud, Boucq a ouvert des portes dans le dessin réaliste.
Ingrid Bouttaz
Ingrid Bouttaz a ses deux fours à faïence au sous-sol de Lasécu. Elle y crée depuis plusieurs années d’élégants objets graphiques inspirés de la nature (coquillages, graines, insectes...). ‘‘Je moule tout ce qui me tombe sous la main.’’ Depuis qu’elle a ouvert son atelier, elle y propose des animations aux enfants, et avec son association ‘‘Chifoumi’’ elle enseigne la céramique aux adultes.
Capri
L’observation et le modelage est son langage. Elle aime faire ‘‘monter’’ la forme, touche de terre après touche de terre, créer le mouvement pour engendrer le vivant.
Son médium est le grès qu’elle engobe à l’envi, jouant avec les couleurs. Elle est curieuse, elle cherche, explore la faune puis la décrypte et la transcrit avec une touche d’humour et de dérision.
Elisa Uberti
Designer et artiste, elle travaille principalement le grès, sa matière de prédilection, qu’elle modèle pour créer des sculptures... aux formes courbes et réconfortantes témoignant d’un geste manuel ancestral. Un univers épuré aux inspirations multiples tels que la nature minérale et organique, le nomadisme, l’architecture et la poésie de l’espace reliés par un même fil conducteur, le respect du temps qui passe et un besoin d’intemporalité.
Julie Daleyden
‘‘quand la nature nous habille des scénettes, des voyages... la flore et la faune se donnent en spectacle’’
Sandrine Herlin
Par un concours de circonstance, sa pratique de la céramique est venue enrichir son travail de peintre-illustratrice. Ainsi, loin du tumulte, les herbes folles pliées par la bise émergent des toits, perchées en haut de ces cabanes sur pilotis, refuges oubliés, vestiges de l’enfance… Tout droit sortis d’une réserve imaginaire, les Espèces en voie d’apparition et autres Spécimens à gros bec sont montés aux rubans avec amour... “Toute création naît de la nostalgie d’un paradis perdu“ (V. Jankélévitch)
Amélie Bo
Façonnées dans le grès puis enduites d’engobe ou de jus d’oxyde, selon les séries, les céramiques d’Amélie Bo modèlent un passage, une transformation plus qu’un état. C’est par cette volonté de faire apparaître, plus que de montrer ou de représenter qu’elle exprime la mutation, la transformation, des êtres, des choses et des environnements. L’artiste en travaillant sur les éléments, le monde animal, végétal, le naturel, tente d’approcher leurs dimensions cachées et sacrées.